Dans son dernier article, Patrick Dufault a écrit :
« Le leader est celui qui arrive à faire voir aux gens de nouvelles perspectives et qui arrive ainsi à les mettre en action. »
Patrick, un homme modeste, n’est pas du genre à dire qu’il est un leader, mais il a souvent réussi à me faire voir le côté des choses que j’avais besoin de voir pour retrouver ma motivation.
Quelques mois avant d’être embauché par KI-AI! Conseils RH, j’occupais un emploi « en attendant de trouver quelque chose dans mon domaine ». Bien que ma spécialité première soit la rédaction-révision, je travaillais alors comme aide alimentaire dans les cuisines d’une maison de retraite pour dames.
Le travail était extrêmement physique et salissant. Je revenais toujours chez moi épuisé et poisseux. L’environnement de travail était très inconfortable : chaleur et humidité extrêmes en été, odeurs nauséabondes, produits d’entretien toxiques, vapeurs étouffantes, vacarme abrutissant des machines. Comble du malheur : les relations entre certains employés étaient souvent conflictuelles, ce qui dégradait une ambiance déjà à peine supportable pour l’écrivain que je suis.
Un jour, j’ai confié à Patrick mon extrême insatisfaction par rapport à cet emploi. Voici à peu près comment s’est déroulée notre conversation :
Patrick : « Si cet emploi te démotive autant, pourquoi tu restes? »
Moi : « Parce que je n’ai pas encore trouvé un bon emploi dans mon domaine. Et comme tout le monde, il faut bien que je gagne ma vie! »
Patrick : « D’accord. Mais si tu ne trouvais que des points négatifs à ton emploi, tu l’aurais déjà quitté pour un autre emploi temporaire qui soit moins pénible. C’est quoi le point positif de ton emploi actuel qui fait en sorte que tu restes? »
Moi : « Aucune idée! »
Patrick : « Tu es un écrivain, pas vrai? Et la force d’un écrivain, c’est de découvrir le sens des choses, ou de le créer. Quel sens pourrais-tu donner au travail que tu fais actuellement, même si ce n’est pas ton travail de rêve? »
Je suis resté sans réponse, mais la question de Patrick n’a pas cessé, dans les jours suivants, d’agir dans les coulisses de mon esprit.
Lors de mes journées de travail suivantes, j’ai eu plusieurs échanges significatifs qui m’ont permis de trouver une réponse à la question de Patrick.
Une fois, alors que je portais les plateaux de repas aux étages, une des infirmières m’a remercié en me disant : « Vois arrivez pile à l’heure. Les résidentes commencent à avoir faim! »
Une autre fois, j’ai croisé une des résidentes, une femme très avancée en âge qui m’a rappelé ma grand-mère. Cette dame, d’une gentillesse qui ne semble exister que chez les gens qui ont vécu très longtemps, m’a dit : « Ah! Comme c’est beau de voir travailler les jeunes! Vous travaillez vraiment fort, vous! »
Quelques jours plus tard, une autre résidente m’a abordé en me prenant le bras et m’a dit : « Je tenais à vous remercier pour l’excellent pâté au poulet que vous nous avez servi aujourd’hui. C’était vraiment délicieux! » Je lui ai répondu : « Je suis content que ça vous ait plu, madame! Mais moi, je ne suis que le gars qui fait le ménage et porte les repas aux étages. Il faut remercier le cuisinier. » À quoi elle a répondu : « Votre travail contribue lui aussi au fait qu’on mange bien à tous les jours! »
Ces trois dames m’avaient fourni, sans le savoir, la réponse à la question de Patrick. Cette réponse, la voici :
Je continue de travailler comme aide alimentaire parce que ça me donne l’opportunité de contribuer à offrir une meilleure qualité de vie à des dames chez qui je retrouve la gentillesse qui me faisait aimer ma grand-mère. Les repas chauds, délicieux et salubres que je contribue à produire et à livrer à temps apportent un peu de réconfort à ces dames, souvent gravement malades, qui savent qu’il ne leur reste plus beaucoup de temps à vivre.
Cette réponse m’a rendu fier du travail que je faisais. À partir de ce moment-là, j’ai commencé à effectuer mes tâches avec plus d’enthousiasme, et mon emploi a cessé de me paraître dégradant. Mon travail était devenu à mes yeux une façon de contribuer positivement à la société par d’autres moyens que mon talent en écriture.
Parfois, il suffit simplement de recadrer notre façon de regarder les choses pour retrouver notre motivation au travail.