L’art du feed-back est maîtrisé lorsqu’il devient aisé de savoir quand, comment et combien de fois il faut faire un retour sur l’action. Il y a au moins deux moments incontournables : lorsque ça va bien et lorsque ça ne va pas bien. Ces deux moments peuvent appartenir à l’écoute de niveaux 1 ou 2 (voir l’article précédent). Nous verrons dans ce troisième article de la série « L’art du feed-back » comment passer aux niveaux 3 et 4 de l’écoute, soit l’écoute empathique puis générative. Nous verrons que le modèle de Kim Scott (“Radical Candor”) complète bien les niveaux d’écoute d’Otto Scharmer et la matrice du feed-back que nous avons déjà présentée dans le premier article de cette série.
J’accompagne des gens depuis près de 20 ans – je sais que j’ai l’air jeune! –, que ce soit en intervention psychosociale ou en coaching de professionnels et de gestionnaires. J’ai toujours constaté les meilleurs résultats de changement lors de discussions radicalement sincères.
On prend encore pour acquis que la rétroaction (feed-back) est à sens unique, c’est-à-dire qu’elle va de celui qui juge de la situation et demande une amélioration, ou qui félicite, à celui qui reçoit, voire subit. Avec une telle conception, on peut bien rencontrer beaucoup de gens qui ne veulent pas offrir du feed-back ou ne se sentent pas à l’aise d’en offrir et désirent savoir comment améliorer leur approche.
Le secret du feed-back est dans l’intention de respect. Il s’agit de prendre soin de 3 éléments fondamentaux :
Prendre soin de soi et respecter nos besoins et attentes.
Prendre soin de l’autre et respecter ses besoins et ses capacités.
Prendre soin de la relation et la préserver après la discussion. (Nous avons déjà traité, sous forme métaphorique, de ce troisième point dans l’article « Aïkido et leadership ».)
Si vous ne concevez pas le feed-back comme un élément central pour maintenir ou améliorer la relation, vous n’en tirerez pas le plein potentiel. Si vous pensez obtenir ce que vous voulez en passant une commande et contrôler l’autre sans avoir son avis, vous n’obtiendrez rien de bon à long terme. Le feed-back est une discussion, possiblement émotive, qui permet un retour sur l’action, qui à son tour permet un retour sur la perception et les possibilités. C’est-à-dire que l’autre doit pouvoir échanger et revenir sur ce que vous lui faites comme retour. Si vous désirez l’amélioration continue, l’atteinte des objectifs ou l’excellence, vous devez vous commettre en offrant une rétroaction qui est radicalement sincère tout en étant empreinte de compassion. Il est possible d’aborder les vrais enjeux tout en prenant soin des personnes dans la relation.
Voici notre traduction du concept du succès de la rétroaction axé sur le concept de “care and challenge” (« prendre soin et mettre au défi ») tiré du livre Radical Candor: Be a Kick-Ass Boss Without Losing Your Humanity de Kim Scott.
Dans ce livre, deux enjeux sont mis en commun : celui de réussir et celui de prendre soin.
Moins la personne prend soin et moins elle vise à mettre au défi, plus elle incarne le cynisme dans sa rétroaction. Ceci est peu efficace.
Plus la personne mise sur l’attention à l’autre et moins à lui révéler les attentes réelles, plus on risque de tomber dans une sympathie qui ruine le potentiel de responsabilisation.
Plus on se contente de dire crûment ce qui ne va pas et doit être amélioré, plus la rétroaction est perçue comme brutale et stressante. Ceci n’aide pas à l’atteinte du rendement dans la durée.
La « sincérité radicale », c’est lorsqu’on nomme ce qui va ou ne va pas et ce qui doit être amélioré tout en respectant la capacité de l’autre à recevoir et à réagir, et en faisant confiance qu’il est possible de se réajuster. Kim Scott raconte qu’elle a vu chez Google et Apple des rétroactions émotionnellement tendues (en mode groan zone), qui étaient toutefois les plus efficaces. La sincérité radicale est basée sur le fait que chacun a le droit d’être pleinement qui il est (authentique et différent), mais aussi sur l’assurance partagée que le feed-back porte sur une action réalisable et non sur la personne, ce qui permet de mettre l’égo de côté au profit du résultat.
La matrice que nous utilisons représente une complémentarité logique au modèle de Kim Scott.
Nous recommandons d’aborder les 4 zones d’information pour faciliter la discussion et augmenter la richesse de la rétroaction tant sur l’axe de la compassion (prendre soin) que sur l’axe de la réussite (mettre au défi), et de miser sur la responsabilisation de la personne quant à l’atteinte de ses objectifs.
Autres articles de la série :